Protection du site de la Chartreuse: 1ère partie (1986-2003)

 
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La Défense Nationale a fermé la caserne de la Chartreuse en 1981. Le domaine militaire est devenu domaine privé de l’Etat lors de sa remise le 10 décembre 1987 au Comité d’Acquisition de Liège.

Le 10 septembre 1986, sous la présidence du colonel André Ghany, président du Centre Liégeois d’Histoire et Archéologie militaire (CLHAM) eut lieu une réunion au fort de la Chartreuse en vue de la constitution d’une ASBL.

Ses statuts ont été signés lors de l’assemblée constituante du 12 octobre 1986.

Des visites du fort ont été régulièrement organisées et à partir de 1987, celles d’une galerie de mine dont l’entrée était située rue Winston Churchill.

Nous avons eu connaissance de plusieurs projets immobiliers dès 1988, notamment: la société Richard de Loncin, faisant partie du groupe Bouyghes, qui se proposait de «rentabiliser» le site tout en restaurant une partie du fort, abattre la maison Lambinon mais garder le manège et la vieille ferme, installer un endroit à vocation didactique et même garder un local pour l’asbl La Chartreuse, le tout dans le respect du plan directeur de la Ville de Liège de 1988 (la Ville avait établi le 7 septembre 1987 un projet pour le Futur de la Chartreuse).

Le plan de secteur de Liège qui partageait le site en plusieurs zones: espaces verts, parc, extension d’habitat, fit l’objet d’un arrêté de l’Exécutif régional wallon du 29 novembre 1987. Une partie de la zone de parc, dite la «clairière aux marronniers», fut cependant laissée en zone d’habitat au motif qu’il existait un projet d’urbanisation. L’échevin de l’urbanisme, Raymond Yans, ne manqua pas de relever cette aberration et il l’expliqua par l’intervention auprès des ministres PSC wallons du propriétaire de l’endroit, une congrégation religieuse, désireuse d’y construire une maison de repos pourvue d’une route d’accès (conférence de presse du 9 août 1988).

Cette anomalie fut à l’origine de la création de l’asbl Parc des Oblats le 22 août 1988 qui rassembla au départ un nombre important de riverains alertés par le projet immobilier qui menaçait leur environnement.

L’objet social de cette asbl était: «la protection et la conservation du Parc des Oblats et environs en tant que parc naturel». Lorsque le parc des Oblats devint propriété de la Ville de Liège et après la restauration de l’arvô du thier de la Chartreuse – bâtiment acquis par l’asbl le 30 août 1990 – grâce aux subventions de la Région Wallonne, de la Province et de la Ville de Liège ainsi que de la Fondation Roi Baudouin, l’association prononça sa dissolution le 8 mars 2008 et par acte du 23 février 2010 fit donation de l’arvô à l’asbl La Chartreuse.

D’autres projets immobiliers ont circulé: en janvier 1990, c’était un projet d’aménagement du réduit réalisé par un atelier d’architecture de Bruxelles et consistant en la transformation des bâtiments en immeuble à appartements (plus bien entendu un local réservé à l’asbl La Chartreuse).

En juillet 1990, un autre architecte bruxellois prit contact avec nous car il comptait présenter à la CIB (Cie Immobilière belge), promoteur intéressé par le domaine de la Chartreuse, un projet de valorisation de l’ensemble du site (et notre local?).

Il fut même question un jour de construire sur la lande aux aubépines un hôtel de plusieurs étages avec un golf.

Des promoteurs, on en a connus mais il est certain que la présence sur les lieux d’une association ayant pour objet social la protection du site en a découragé plus d’un, ce qui était notre but, faut-il le dire (malgré le local…).

Une tentative plus aboutie – sur papier – fut celle que nous ont exposée en mail 1994 deux personnes se présentant comme les collaborateurs de l’entrepreneur Marcel Baguette. Ils voulaient créer une Fondation (c’était déjà notre idée en 1993 comme on le lira ci-après) qui aurait acquis l’ensemble du domaine militaire. Leur plan d’aménagement ressemblait très fort au nôtre (publié dans la Meuse du 22 juillet 1993 – voir plus loin). Ils furent invités aux réunions organisées à l’échevinat de l’Environnement à l’initiative de l’échevin Michel Firket et furent pris au sérieux. Ils nous promettaient un local (évidemment) et un rôle administratif pas très clair dans leur Fondation, dont les statuts furent publiés au Moniteur le 24 octobre 1996. L’un des deux était sérieux bien qu’un peu naïf, le second n’était ni l’un ni l’autre.

Le domaine militaire avait fait l’objet, à titre conservatoire, d’un procès-verbal de reprise le 20 février 1991, l’idée étant d’y installer l’état-major du l’état-major du 1er corps d’armée belge rapatrié de Weiden (réponse du ministre de la Défense à une question parlementaire posée par José Daras le 8 mars 1991) mais le projet fut abandonné et en mars 1993, le Comité d’acquisition fut chargé de procéder à la vente.

Nous avions obtenu une autorisation d’occupation du fort le 26 juin 1991 mais depuis la création de l’asbl, nous avions la permission d’occuper un local.

Notre premier local se situait dans l’ancien mess des sous-officiers, il avait un bar, celui d’origine, un poêle à bois et une pièce attenante permettait d’y tenir nos réunions et nos festivités.

En mai 1991, ce local a été incendié et détruit, il n’était plus utilisable. Cela ne nous a pas découragés, nous avons installé un local ailleurs, nous en avons même installé plusieurs car ils ont tous été vandalisés et détruits. Aucun système de fermeture ne résistait à l’assaut des vandales. Ils ont même forcé l’entrée d’une cabine électrique où nous rangions notre matériel chaque samedi, car nous étions sur place chaque samedi. Comme il ne nous était plus possible de mettre notre matériel à l’abri, nous avons décidé de l’amener sur place, bien rangé dans notre remorque, le poêle à bois, les tables, les bancs, les boissons, la vaisselle, l’eau pour la vaisselle, la cafetière etc puis de tout ramener le soir dans le garage du président.

En 2002, les militaires ont décidé de nous chasser du fort, en tâchant d’y mettre des formes. On suppose que leur but était de faciliter la vente de leur bien. Après cela, notre local fut installé à l’arvô.

Tout cela, c’était en quelque sorte de la défense passive.

Mais notre grand projet ainsi que celui des asbl «Education-Environnement» et «Etudes et Environnement», c’était le classement du site. Avant l’idée de créer une Fondation.

En septembre 1988, les asbl La Chartreuse et Parc des Oblats avaient introduit une demande de classement, à l’appui de celle des associations de protection de la nature.

Le 28 décembre 1988, Valmy Féaux, ministre-président de l’Exécutif de la Communauté française autorisa l’administration du Patrimoine à entamer la procédure d’enquête préalable au classement, premier pas important.

L’administration militaire s’était opposée au classement, ainsi que l’association propriétaire des deux parcelles du parc des Oblats en zone rouge au motif que le classement aurait pour effet de diminuer la valeur vénale des biens et d’en compromettre la vente.

Quant à la Ville de Liège, on l’a vu, elle avait élaboré dès 1987 un Projet pour le Futur de la Chartreuse.

Le site de la Chartreuse fut classé comme site le 31 octobre 1991.

Dès 1991, les asbl La Chartreuse et Parc des Oblats avaient conçu ensemble un plan d’aménagement et le projet de création d’une Fondation d’utilité publique pour acquérir l’ensemble du domaine militaire offert à la vente.

Le plan et le projet furent publiés dans le journal La Meuse du 22 juillet 1993 sous le titre «Sauver le domaine de la Chartreuse»

Extrait du journal La Meuse du 22.07.1993
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Extrait du journal La Meuse du 22.07.1993
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Entre janvier 1991 et avril 1995, nous avons participé avec une vingtaine d’autres associations à l’«Opération 1000 Communes pour l’Environnement européen» à l’initiative de l’échevin de l’Environnement, Michel Firket. Parmi les projets présentés et soutenus par les partenaires à cette opération figurait la protection du site de la Chartreuse. La Ville de Liège reçut un prix de 350.000 FB en sa qualité de ville lauréate, prix affecté à la réalisation des actions proposées.

Entre 1999 et 2002, nous avons également participé aux réunions organisées au même échevinat dans le cadre du Plan communal de Développement de la Nature (PCDN) où figuraient en bonne place de nombreuses actions visant le parc de la Chartreuse.

En mars 1993, l’administration des bâtiments militaires décida de déplacer les trois monuments se trouvant sur l’esplanade du fort et ce afin de favoriser la vente, cette partie se trouvant en zone d’extension d’habitat.

Le commandant de la Province fit part de cette décision aux représentants des Fraternelles intéressées, à savoir celle du 3ème Génie, celle 1er de Ligne (monument classé le 29 août 1988) et celle du 15ème d’Artillerie.

Nous avons protesté, invoquant la protection conférée par le classement du site en 1991 et en avons informé l’échevin de l’Environnement. Vu les nombreuses réunions évoquées ci-avant, Michel Firket nous connaissait bien et n’ignorait rien du problème de la Chartreuse.

Il convoqua le 24 mars 1993 toutes les parties intéressées; à savoir, outre nos deux associations, les présidents des Fraternelles, des représentants de l’armée, de la Région wallonne, du ministère des Finances et l’échevin de l’urbanisme, William Ancion.

Ils sont tous venus et un groupe de travail appelé « Groupe Chartreuse » fut mis en place.

Nous y avons présenté notre plan d’aménagement et exposé notre idée de créer une Fondation Chartreuse.

Premier résultat: les monuments ne furent pas déplacés. Deuxième résultat: notre plan d’aménagement fut approuvé par tous y compris le colonel R. Giraldo des Forces armées (mais pas par les présidents des Fraternelles très peu intéressés et même outrés d’être convoqués par des civils à propos de leurs monuments).

Notre projet d’aménagement fut examiné, discuté, quelque peu modifié et aboutit en 1994 à un projet de schéma directeur qui fut approuvé par le conseil communal en juin 1994.

Après l’acquisition en 1993 du parc des Oblats, la Ville acheta le 27 octobre 1998 l’ensemble des zones vertes.

Le reste (95.000 m2) fut vendu pour 2,5 millions € en 2003 à une société immobilière (La Meuse du 4 septembre 2003) laquelle divisa le bien pour le revendre à deux autres sociétés. Actuellement, les propriétaires sont la société Matexi et la société Immo Chartreuse.

Et dire que j’ai lu quelque part que l’asbl La chartreuse n’avait rien fait en 30 ans…

2ème partie: après 2003
dont les sujets seront, notamment:
les mesures et plans d’aménagement de la Ville, l’arrêt des démolitions entamées par Immo Chartreuse, l’espace public et Value Added, le futur SAR (site à réaménager), aujourd’hui seul espoir pour le fort.


Monique Snyers,
Secrétaire de l’ASBL La Chartreuse
25 avril 2018

Publié le 26 avril 2018
Mis à jour le 4 août 2023
http://www.lachartreuse.org/web/protection-du-site-de-la-chartreuse-1ere-partie-1986-2003/

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