Invasion par la renouée du Japon: la biodiversité en danger

 
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Le 28 avril dernier, invitée à notre assemblée générale (voir l’article Assemblée générale de l’ASBL), Caroline Lhoest a présenté son travail de cartographie de la présence de la renouée du Japon sur le site de la Chartreuse, réalisé en collaboration avec Philippe Mathieu. Elle nous avait déjà interpellés à propos du site des travaux Infrabel (voir l’article Les travaux d’Infrabel sur la ligne 40 ). Voici une version finalisée de son document, revue par ses soins pour notre site web.
N.D.L.R.

Un relevé cartographique fait l’état de l’inquiétante situation. La consigne pour les utilisateurs de la Chartreuse: regarder mais ne pas toucher.

En avril 2018, ce sont près de 234 points GPS qui ont été relevés autour des massifs de renouées du Japon pour les dimensionner et les localiser sur le site de la Chartreuse. Deux utilisateurs, amoureux du site, ont voulu, de cette manière, faire l’état de la situation inquiétante qu’ils pouvaient observer et discuter sur base factuelle avec les autorités et personnes ressources concernées. La biodiversité de ce site de grand intérêt biologique est menacée par cette plante invasive ! L’ASBL La Chartreuse et l’association Un Air de Chartreuse ont été interpellées. Les premiers contacts avec la Ville de Liège ont été pris. L’enjeu aujourd’hui : contenir la plante, freiner son expansion et préserver les étendues du site encore saines. Pour les utilisateurs du site, une première recommandation : ne pas toucher pour ne pas risquer de disséminer la plante exotique, suradaptée à notre environnement. En effet, le moindre bout de cette plante qui touche le sol se bouture. Une tige peut grandir de plusieurs centimètres en un jour pour atteindre jusqu’à 4 mètres de haut. Un massif peut s’étendre de plusieurs mètres par an et c’est le cas cette année puisque l’un d’entre eux s’étale jusqu’à 50 pas de son foyer d’origine !

Contexte

La Chartreuse: site de grand intérêt biologique (SGIB 1893). La Chartreuse compte parmi les sites de grand intérêt biologique, qui représentent le coeur de la structure écologique principale: ils abritent des populations d’espèces et des biotopes rares ou menacés ou se caractérisent par une grande diversité biologique ou un excellent état de conservation (voir le site web SGIB).

Contamination par la renouée du Japon: espèce invasive dotée à la fois d’une forte capacité de reproduction et d’une très bonne aptitude à la dispersion. Ces atouts lui permettent d’accroître très rapidement ses effectifs et de coloniser des surfaces importantes en un laps de temps réduit. L’espèce a colonisé forêts, talus et autres biotopes naturels éliminant toutes les autres espèces, même les plus courantes, contribuant à appauvrir et banaliser la flore en place, naturelle ou introduite (voir http://biodiversite.wallonie.be). Le moindre morceau de tige ou de racine tombé par terre peut se bouturer et devenir un nouveau foyer de contamination. D’où la consigne de ne pas approcher les massifs, ne pas couper de tiges, ne pas les fragmenter.

Pour une information plus détaillée sur la plante: Wikipedia

Résultat cartographique

Le résultat du repérage des renouées du Japon sur le site étendu de la Chartreuse génère une carte qui rend apparente la répartition de la plante sur le site, la proportion qu’elle y occupe en termes de surface, une proportion relative des foyers les uns par rapport aux autres et une localisation des massifs.

Carte réalisée par Caroline Lhoest et Philippe Mathieu
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Quatre principales observations:

1. Proportionnellement au site, la contamination est très importante et se tient en de multiples foyers.

2. La grande majorité des surfaces contaminées et la majorité des massifs sont clairement situés dans la zone de la Chartreuse, publique, la plus entretenue, la plus aménagée, la plus fréquentée. Au moins quatre de ces massifs sont très visiblement installés sur des amoncellements de terre, de matériaux ou de déchets. Une de ces grandes zones correspond à l’endroit où la maison du concierge a été détruite, des arbres abattus et des terres extérieures apportées et damées. Plusieurs de ces zones s’inscrivent là où les milieux ont été rouverts dans une politique de redéveloppement de la biodiversité.

3. Il est possible de délimiter une très grande zone, avoisinant la moitié de la superficie totale de la Chartreuse, soit environ 20 hectares, qui est encore préservée de la renouée du Japon. Elle comprend les parties les plus densément boisées et quelques rares chemins de balade parmi les plus discrets. Il s’agit de la lande aux aubépines, la descente vers l’église Saint-Lambert et les pourtours de la dalle.

4. Cette zone saine est menacée en 14 points sur sa périphérie, de part et d’autre, puisque les massifs périphériques sont vraiment disséminés sur le pourtour du site. Un premier lot de questions, parmi lesquelles :

  • Comment préserver les zones encore saines, comment y ralentir la propagation ?
  • Le traitement d’un ou plusieurs massifs, par arrachage, bâchage, plantation concurrente, plantation ombrageuse, pâturage, ou toute autre technique est-il envisagé ?
  • Comment cette contamination et la grande faculté de propagation de la renouée du Japon sont-elles ou vont-elle être prises en compte dans la gestion effective du parc et de la zone verte ?
  • Existe-il une procédure contraignante pour le traitement des déchets verts récoltés sur un site largement contaminé comme c’est le cas à la Chartreuse ?
  • Quelles précautions et contraintes vont être mises en place dans l’éventualité d’un chantier de construction (Matexi) sur ce site contaminé par la renouée du Japon (charroi, excavation, transport, dépôts de terre et de matériaux) ?
  • Peut-on rendre publiques les documents qui définissent ou définiront la politique de gestion et d’entretien de l’environnement naturel de la Chartreuse, le plan d’action et son agenda ?
Les premiers contacts ont été pris avec la Ville de Liège pour discuter de ces questions.

Par ailleurs, un foyer localisé n’a pas pu être dimensionné. Ce même emplacement a en effet été choisi pour le dépôt de déchets de bois dans le cadre du chantier de sécurisation des voies de chemin de fer !

Informés par un utilisateur de la présence de renouées, une visite de repérage a eu lieu au panorama localisé au niveau de la voie de chemin de fer. Sur place, un chantier de sécurisation des voies avait débuté sur le site et seules quelques tiges de renouées pouvaient être aperçues à l’emplacement où les troncs coupés commençaient à être entassés. Impossible donc de dimensionner le massif sous les déchets. Nous avons cependant pris trois photos. On aperçoit l’engin et la cabine de chantier, ainsi que sur deux des photos, une jeune pousse de renouée.

Deux points GPS ont été relevés : Latitude 50.631921 – Longitude 5.59049 et Latitude 50.632002 – Longitude 5.590420

Photo Caroline Lhoest
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Photo Caroline Lhoest
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Photo Caroline Lhoest
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Question et observations supplémentaires

Comment est-ce possible qu’un chantier sur un site de grand intérêt biologique s’installe au-dessus même d’un massif de renouées du Japon ? Les entrepreneurs de travaux sont-ils prévenus lorsqu’ils s’installent sur un site contaminé ? Sont-ils sensibilisés à cette problématique, ont-ils reçu des lignes de conduite claires permettant d’éviter tout risque de propagation notamment lors du remaniement du terrain et du transport de terres excavées ? Va-t-on intervenir sur ce massif, une fois le chantier parti, pour éviter une propagation vers ces zones dont les sols ont été profondément remaniés ?

Au même moment, la vue sur Liège a été réouverte par l’abattage d’arbres. Il serait d’autant plus dommage de voir ce panorama sur la Ville investi par une plante à peuplement dense dont la hauteur peut atteindre 4 mètres.


Caroline Lhoest et Philippe Mathieu